Résoudre les conflits entre responsables opérationnels et le responsable qualité
Il est fréquent que le
responsable qualité voie se dresser devant lui l’opposition plus ou
moins passive des opérationnels (ceux qui mettent en œuvre),
réticents à le laisser pénétrer dans leurs affaires afin qu’il
puisse vérifier le respect des règles. Cette opposition peut aller
jusqu’à un conflit caractérisé, le RQ étant en pratique interdit
d’accès aux services correspondants, voire raillé et vilipendé.
Sa fonction devient alors
très difficile à assumer et des responsables qualité endurent une
véritable frustration.
Pour tenter d’améliorer
cette situation lorsqu’elle survient, il faut en analyser posément
et objectivement les causes. Celles-ci peuvent être de plusieurs
sortes :
Il y a d’abord la réticence
classique en France vis-à-vis des contrôles et des incursions
externes au service, quels qu’ils soient. Dans ce cas, le RQ doit se
rapprocher de la hiérarchie —des deux côtés, soit son propre chef et
celui des personnes à contrôler— et son rôle doit être bien
reprécisé. Ce rôle est de deux natures :
- Il est là pour aider les
opérationnels à mieux organiser et à mieux fonctionner, par
exemple pour organiser une nouvelle activité ou un processus,
pour éviter les pertes de temps, les défauts, les inadaptations
des procédures... Dans ce domaine, le RQ doit respecter les
besoins des opérationnels et essayer de les satisfaire au mieux.
S’il le fait bien, il sera apprécié et cela lui ouvrira la porte
des services.
- Il est par ailleurs, le
gardien du respect des méthodes et du maintien de l’ordre, du
rangement... dans l'entreprise, de façon à ce que chacun puisse
travailler au mieux. Pour cela il doit assurer une surveillance
des points jugés principaux pour le bon fonctionnement interne
et pour la satisfaction des clients : rangement des dossiers et
des fichiers, exploitation des incidents avec les clients, suivi
du bon fonctionnement des processus... Et, en cas d’anomalie, il
doit intervenir pour la résoudre par une meilleure organisation.
Il est aussi le garant de la certification dans les sociétés
certifiées, ce qui implique le contrôle du respect des procédures
associées.
Il faut que chacun, dans
l'entreprise, accepte ce dernier rôle et lui ouvre sa porte. Lorsque
ce n’est pas le cas, les causes peuvent en être les suivantes :
- Le responsable qualité
n’améliore pas assez. Or ce sont les améliorations qu’il apporte
qui lui donnent avant tout sa légitimité vis-à-vis des services.
Plus il améliore, et mieux il sera intégré dans la vie de
l'entreprise et mieux ses contrôles seront acceptés. Sinon, il
est surtout perçu comme un « père fouettard » et on s’évertuera
à le contrecarrer.
- Les contrôles ne portent pas sur
des points réellement utiles et sont considérés par les
« victimes » comme des tracasseries. Le RQ doit alors savoir les
remettre en cause. Un contrôle est un investissement en temps
(et éventuellement en argent) et il faut cibler d’abord ce qui
est utile, soit pour le bon fonctionnement et la productivité de
la collectivité, soit pour éviter des déboires aux clients. Il
faut par exemple savoir remettre en cause des procédures ou des
formulaires inadaptés. Les difficultés proviennent souvent de
ces inadaptations de l'organisation. Le RQ est alors
contre-productif lorsqu'il les fait appliquer malgré tout et il
nuit au bon fonctionnement au lieu de l’améliorer. Dans ce cas,
ce sont les opérationnels qui ont raison et les contrôles
doivent être mieux ciblés.
- Il peut aussi y avoir des
dispositions peu utiles mais exigées par la réglementation ou
les normes. Le RQ doit alors faire preuve de pédagogie et
expliquer. Si l’opposition persiste, il faut que la hiérarchie
s’en mêle et l'appuie fermement.
Il en est de même pour le contrôle des mesures impératives comme les
mesures de sécurité par exemple, ou pour les mesures d’ordre, de
rangement, d’entretien, de nettoyage... nécessaires pour le bon
fonctionnement. Ici aussi, la Direction doit soutenir fermement.
N’oublions pas que le responsable qualité intervient au nom de la
Direction. Donc, et dans la mesure où les contrôles sont justifiés
(sinon retour au premier cas), les managers doivent
cautionner
fermement son action. Les points de
surveillance doivent en particulier être clairement précisés par
écrit.
On voit parfois des responsables qui ne veulent pas s’engager. Ils
veulent les contrôles mais ils laissent le RQ se débrouiller seul.
Dans ce cas et lorsqu’il rencontre des oppositions, le RQ ne doit
pas persévérer. Il n’agit pas pour son compte. Il doit éviter d’en
faire une affaire personnelle, voire de mener sa propre guerre. Il
vaut bien mieux placer la hiérarchie en face de ses
responsabilités : « je l’ai demandé mais rien n’a été fait, je vous
en ai informé mais vous n’êtes pas intervenu, j’ai cru que vous ne
le souhaitiez pas... ».
- Une autre difficulté
courante est le manque de connaissance de l’activité qu’il veut
contrôler par le responsable qualité. Des dispositions qu’il
juge « rationnellement » utiles ne sont en réalité pas adaptées
au contexte réel. Il peut aussi y avoir une simple mésentente
sur les mots. Les deux parties ne se comprennent pas, c’est un
dialogue de sourd.
La bonne solution est de faire participer au maximum le responsable
qualité à la vie opérationnelle, afin qu’il comprenne les
contraintes, les points essentiels, la terminologie... La
collaboration pourra alors s’établir sur de meilleures bases, avec
une compréhension mutuelle.
- Autre source fréquente de
dysfonctionnement : un certain manque de psychologie du RQ. Il
n’est jamais facile de critiquer quelqu’un, même lorsque c’est
entièrement justifié. Il faut beaucoup de prudence et d’adresse
car les gens —y compris les meilleurs— sont souvent
susceptibles. Et le responsable qualité n’y est pas toujours
formé.
Quelques conseils : appliquer une rigueur « intelligente », dosée en
fonction de la gravité réelle des problèmes, sans pinaillage ; bien
expliquer les conséquences négatives de l’anomalie constatée ;
écouter l’intéressé qui a certainement des raisons d’avoir procédé
ainsi et, si nécessaire, améliorer pour la suite afin d’éviter la
répétition du problème ; ne pas considérer l’intéressé comme un
coupable mais comme un partenaire que l’on cherche à aider en lui
évitant de continuer à commettre des erreurs...
Par contre, si le dialogue est impossible, ne pas hésiter à faire
sanctionner. Sinon, c’est toute la crédibilité de la surveillance
qui sera remise en cause.
- Il y a enfin le cas des
déviances volontaires. Les auteurs des anomalies relevées savent
très bien ce qu’ils font et ne veulent pas faire mieux.
L’affaire change alors de nature. Elle devient un problème de
management qui doit être traité par le management.
Dans les entreprises dans lesquelles le management est peu opérant,
c’est-à-dire ne veut pas ou ne peut pas faire corriger les anomalies
constatées, une solution est de faire intervenir un consultant
extérieur qui pourra mettre en évidence le problème, ce qui imposera
généralement de le traiter.
Soulignons tout l’intérêt d’une telle intervention extérieure, qui
évite au RQ et à Direction de se mettre en porte à faux vis-à-vis
des opposants, tout en en retirant ensuite les bénéfices avec les
améliorations apportées. C’est une solution encore beaucoup trop peu
utilisée par les entreprises françaises, qui préfèrent vivre avec
leurs problèmes et qui perdent ainsi un potentiel important de
productivité supplémentaire.
En conclusion, le
responsable qualité doit d’abord analyser posément les difficultés
qu’il rencontre. Il doit toujours commencer par examiner si elles ne
proviennent pas du mauvais ciblage de son action. Il doit chercher à
bien comprendre le fonctionnement des services impliqués, procéder
avec psychologie et compréhension, en plaçant toujours en priorité
l’amélioration de l’organisation et du fonctionnement, au service
des opérationnels. Ce sont les améliorations qu’il apporte qui lui
donnent sa légitimité. Ce sont elles aussi qui lui ouvrent les
portes des services et qui évitent les conflits. On est toujours
ravi d’accueillir quelqu’un qui cherche à vous aider, et on respecte
les contrôles dont on comprend le sens... |